Le Burkina Faso fait face à une montée de l’incivisme fiscal qui gangrène l’économie nationale. Pour déceler les causes et faire des propositions concrètes pour l’amélioration de la mobilisation de recettes propres, le Centre d’Information, de Formation et d’Etudes sur le Budget (CIFOEB) a commandité une étude sur les facteurs explicatifs de l’incivisme fiscal au Burkina Faso et les modalités d’incitation au paiement des impôts. La restitution de l’étude a eu lieu le 26 juin 2019 à Ouagadougou.
Les besoins de financement pour l’exécution des projets et programmes de développement du Burkina Faso demeurent sans cesse croissants. Pour satisfaire ces besoins dans un contexte marqué par la raréfaction de l’aide publique au développement et le renchérissement de la dette, l’Etat burkinabè a entrepris de nombreuses réformes budgétaires dans le but d’améliorer le niveau de mobilisation de recettes propres. Cette volonté de compter sur ses propres forces est traduite dans le Plan National de Développement Economique et Social (PNDES) où plus de 63% de son financement doit être mobilisé au plan intérieur. Malgré ces efforts et l’existence même d’un grand potentiel de recouvrement de recettes fiscales, la progression des recettes publiques demeurent faibles au fil des années comparativement au niveau de la création des richesses intérieures. En conséquence, l’Etat n’arrive pas à satisfaire convenablement les besoins de base de sa population et à financer les investissements à partir de ses recettes propres pour donner un véritable coup d’accélérateur au développement socio-économique du pays. Cet état de fait s’explique par plusieurs facteurs dont l’incivisme fiscal. C’est donc pour contribuer à améliorer le niveau de mobilisation des ressources propres, que le CIFOEB a mené une étude sur l’incivisme fiscal en vue de déceler les causes réelles de ce phénomène qui a encore la peau dure au Burkina Faso. Cette démarche participe à la lutte contre la pauvreté à travers la constitution de ressources stables pour le financement du développement.
Résultats de l’étude et recommandations
De cette étude, il ressort que l’incivisme fiscal est né en grande partie de la crise de confiance entre gouvernants et gouvernés due à la mauvaise gestion des impôts et taxes collectés et le défaut de transparence dans la gouvernance économique. Il s’explique également par l’organisation de l’administration fiscale qui est basée sur un système déclaratif, la perception du contribuable de l’existence de plusieurs impôts et taxes au Burkina Faso, la prépondérance du secteur informel qui constitue un fort potentiel de contributions fiscales mais qui traine de nombreuses pratiques frauduleuses, l’existence de zones insuffisamment fiscalisées, entre autres. Les conséquences de l’incivisme fiscal sont désastreuses pour l’économie nationale selon les résultats de l’étude. Il contribue à renforcer la dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur, limite le niveau d’investissement en faveur des secteurs sociaux de base pour les populations, bref, réduit les recettes de l’Etat. En 2015, les Restes à recouvrer (RAR) pour le Budget de l’Etat Burkinabè selon le rapport d’enquête parlementaire sur la fraude fiscale, l’impunité fiscale, les Restes à recouvrer (RAR) et les chèques impayés commandités par le Conseil National de la Transition(CNT) en octobre 2015 s’élevait à plus de deux cent milliards de FCFA (201 872 773 218 FCFA), selon l’étude. Le rapport d’activités 2017 de la Direction Générale des impôts(DGI) notait également que les RAR au 31 décembre 2017 atteignaient toujours les quatre cent (400) milliards de francs CFA. Ce qui constitue un manque à gagner pour les caisses de l’Etat, relève-t-on dans le rapport d’étude.

En termes de recommandations, l’étude propose la création d’un nouveau pacte entre contribuable et Etat à travers l’organisation des assises nationales sur la fiscalité intérieure et de portes, la rationalisation des dépenses fiscales, la constitution d’un réseau des points focaux issus du monde des affaires déterminés en fonction des structures faitières des différentes branches d’activités et ayant un leadership et un civisme fiscal reconnu. D’autres recommandations invitent à simplifier la procédure de déclaration et de paiement des impôts, taxes et droits des douanes (open office, digitalisation…), à donner aux citoyens les moyens de participer aux débats sur l’emploi des recettes fiscales à travers une communication renforcée sur le budget citoyen, à instaurer des clubs de promotion du civisme fiscal dans tous les établissements secondaires, les universités publiques et privées du Burkina Faso, à désigner des ‘’Ambassadeurs du Civisme Fiscal’’ parmi les Hautes Personnalités (religieuse, coutumière, recherche, sports, FDS, homme d’affaires…), à légiférer sur la production d’un quitus fiscal pour tous les candidats aux postes électifs, nominatifs aux hauts postes de l’Etat, etc.
Suite à cette étude, le CIFOEB a proposé un guide citoyen sur les impôts et taxes et les obligations fiscales pour faciliter la compréhension des contribuables et favoriser la mise en œuvre de leurs droits et obligations vis à vis des impôts et taxes.
Edwige NIKIEMA/ZONGO