Dans une perspective optimiste de la tenue des élections de 2020, deux experts avertis des questions budgétaires et électorales que sont le Pr Salif YONABA, enseignant à l’université Ouaga II et Sadou SIDIBE, ancien Secrétaire général de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et du Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation (MATD), ont tour à tour interrogé l’efficacité, l’efficience, la transparence et la redevabilité du budget électoral 2020 sous la modération de Dr Ra-Sablga Seydou OUEDRAOGO, Directeur Exécutif de l’Institut FREE Afrik, par ailleurs enseignant à l’université Ouaga II. C’était le vendredi 19 juin 2020 à Ouagadougou au cours du ‘’Café CIFOEB’’, un débat des experts initié par le CIFOEB.
Les élections couplées présidentielle et législatives de 2020 au Burkina Faso coûteront environ deux fois plus chères que celles de 2015. 100 milliards de F CFA, c’est le budget prévisionnel du scrutin couplé de 2020 au Burkina Faso selon les estimations de la CENI. Un budget qui a presque doublé comparativement aux 55.001.874.986 F CFA consacrés aux élections de 2015 selon le rapport de la même année de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Pourquoi la démocratie coûte-t-elle si chère au contribuable burkinabè comparativement aux années antérieures ? Le Pr Salif YONABA fait une lecture critique de cet état de fait. « Compte tenu du fait qu’ils veulent faire participer les compatriotes de l’étranger à cette élection, c’est la raison pour laquelle les prévisions ont explosé, ont bondi par rapport au budget de la dernière consultation électorale ; mais ce qu’on peut dire c’est beaucoup, c’est énorme, ce n’est pas réaliste, ce n’est pas supportable, ce n’est pas soutenable pour les finances de notre pays », regrette-t-il.
Le panéliste Sadou SIDIBE justifie également cette hausse du budget électoral par la prise en charge des acteurs impliqués dans la préparation et l’organisation des opérations électorales comme premier poste de dépense, suivi de la production des intrants nécessaires.
Le comble selon les deux experts, c’est que le contexte sécuritaire et la survenue de la crise sanitaire liée au COVID-19 vont forcément entamer la capacité de l’Etat à faire face efficacement à ces charges financières.
C’est donc dans un contexte de hausse des dépenses et de baisse des recettes mobilisées lié à la double crise sanitaire et sécuritaire que vont se tenir les élections de 2020. Pour les panelistes, il est temps de penser à rationaliser les dépenses en optant à titre illustratif pour l’acquisition de matériels réutilisables sur plusieurs élections, l’adoption d’un identifiant unique et l’utilisation de la Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) ou du passeport comme documents de votation pour considérablement réduire les dépenses. « Il va falloir imaginer qu’on adosse le fichier électorale au niveau du fichier de l’Office national d’identification (ONI). Il y a le système d’identifiant unique. D’autres pays l’ont expérimenté et ça marche ; on peut même aller faire la votation avec la carte nationale d’identité ou le passeport ordinaire. Tout cela peut énormément réduire les coûts en termes de documents à produire. Par rapport au matériel électoral aussi, ce n’est pas tout qu’il faut renouveler chaque année. Nous avons pensé que par rapport à certains points comme les urnes, ce n’est pas à toutes les élections qu’il faut les acheter », suggère-t-il.
Tout en reconnaissant la pertinence de l’organisation des élections à bonne date pour éviter le désordre constitutionnel, les deux panélistes se sont également interrogés sur la pertinence du vote des Burkinabè de l’étranger qui s’avère couteux lorsque l’on établit le rapport coût-qualité-bénéfice. Les participants à ce Café ont également plaidé pour plus d’efficacité, de transparence et de redevabilité dans les dépenses électorales sans porter atteinte à la qualité du processus.
Pour le Directeur Exécutif du CIFOEB, Youssouf OUATTARA, l’organisation de ce Café CIFOEB contribuera sans doute à élargir le débat sur cette thématique. « On a une sorte de monopole des acteurs politiques sur les questions de politique publique liées à l’organisation des élections et particulièrement aux questions financières sur la préparation des élections. Il est donc nécessaire que le citoyen s’implique, que ce soit individuellement ou à travers les Organisations de la société civile pour que cette question ne soit pas seulement le monopole des acteurs politiques mais que le citoyen ait quelque chose à dire parce que c’est son argent qui est utilisé pour la préparation, la tenue des élections », conclut-il.
Edwige NIKIEMA/ZONGO